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Bien plus que quatre murs : Lever le masque sur la santé mentale dans Logement d’abord

Pour les personnes qui cherchent un logement après avoir vécu dans l’itinérance chronique, cacher leurs troubles mentaux peut être une question de survie, mais quand la stigmatisation cède sa place au soutien, la guérison commence

PAR PRABHNEET BHANDAL

Logé derrière un masque

Un chez-soi. Qu’est-ce que cela signifie pour vous? Pour la majorité d’entre nous, un chez-soi est un endroit sûr où nous pouvons être vraiment nous-mêmes. Un endroit qui nous attend à la fin de la journée et où nous pouvons refaire le plein d’énergie loin du monde extérieur. Pour les personnes qui vivent avec des troubles mentaux, le chez-soi peut aussi être un endroit où la survie dépend de la performance. Même si la sensibilisation à la santé mentale a pris de l’ampleur au fil des années, de nombreuses personnes continuent de devoir cacher leur véritable réalité émotionnelle et psychologique. Dans les immeubles à logements, la stigmatisation persiste et le soutien n’est pas toujours garanti. De nombreux locataires sont forcés de cacher leurs troubles mentaux derrière des « masques » émotionnels et comportementaux.


Porter un masque, c’est quoi exactement ?

Porter un masque est un acte courant qui consiste à se couper de ses émotions, à imiter les comportements socialement acceptables et à « avoir l’air bien » afin de répondre aux normes sociétales. Même si on peut avoir recours au masque comme mesure d’adaptation temporaire, l’utiliser au quotidien mène souvent à une plus grande détresse psychologique, à de l’épuisement et à une perte d’identité.

Afin de mieux comprendre l’importance de lever le masque sur la santé mentale dans le domaine du logement, j’ai discuté avec Mik Phipps, un des travailleurs de l’équipe d’intervention en logement de l’ACSM Ottawa, et Zach, un de ses clients.

Quand je lui ai demandé s’il avait déjà eu l’impression de devoir masquer ses troubles mentaux pour obtenir ou garder un logement, Zach a répondu que oui. « Dévoiler une telle information entraîne généralement de la stigmatisation… Si vous voulez louer un logement et que vous dites “En passant, j’ai des problèmes de santé mentale”, vous n’aurez pas le logement. »

Pour les gens qui ont des troubles mentaux, il est très difficile de se trouver un logement. Devoir jongler avec plusieurs identités pour tenter de convaincre quelqu’un de vous louer un endroit sûr où vous pourrez enlever votre masque peut être extrêmement éprouvant.


Porter un masque, ça implique quoi ?

En plus de dix ans de carrière dans le domaine de la santé mentale, Mik a pu voir de ses yeux le fardeau que représentent les masques : « Porter un masque est un phénomène complexe dont on parle rarement directement, explique-t-il. Nous ajustons tous notre comportement en fonction de nos émotions, de notre entourage et de nos activités. Mais un grand nombre de mes clients qui portent des masques semblent le faire par peur : peur d’être découverts, d’être jugés ou même d’être expulsés. » Que ce soit en évitant les aires communes ou en attendant de se sentir « présentables » avant de rentrer chez eux, les clients modifient souvent leur comportement pour ne pas nuire au sentiment de sécurité.

« Les clients ont peur de ne pas être crédibles, ou d’être perçus comme des gens dangereux… ou des pauvres, ajoute Mik. Certains veulent juste garder leur vie privée. D’autres ont vécu de la violence ou du rejet après avoir parlé de leurs troubles mentaux. » Enlever son masque n’est pas seulement un choix personnel, c’est aussi un choix politique que l’injustice systémique rend plus difficile. « Les personnes qui ont des maladies mentales visibles sont souvent surveillées de plus près, explique Mik. J’ai travaillé avec des clients qui préféraient dormir dehors plutôt que de retourner chez eux juste pour éviter de se faire harceler. L’un d’eux a même fait l’objet de plaintes pour bruit alors que son logement était vide. » Quand les propriétaires répondent aux plaintes des voisins sur l’apparence ou le comportement d’un locataire, ils renforcent l’idée selon laquelle les troubles mentaux sont un fardeau lorsqu’ils sont visibles.

Un homme blanc portant des lunettes sourit sur un fond bleu.

Enlever son masque

Mik a aussi vu ce qui se passe lorsqu’on permet aux gens d’enlever leur masque, et surtout, quand ils peuvent le faire en toute sécurité. « Les gens sont incroyablement bons pour créer des liens sociaux quand on leur en donne la chance. Une fois que les clients sentent qu’ils peuvent être eux-mêmes sans être punis, ils s’ouvrent. Ils commencent à échanger des repas, à promener leurs chiens ensemble et à se parler de leur vécu. » Non seulement ces relations rendent la vie plus douce, mais elles aident à se débarrasser du sentiment de honte profondément ancré. « Dans certaines des relations les plus solides que j’ai vues, les gens ont commencé par parler de résilience face à la stigmatisation », poursuit Mik.

Lorsqu’il repense à ses années d’itinérance, Zach raconte une histoire semblable. Il dit qu’il aimerait que les gens puissent voir au-delà de l’apparence physique et qu’ils apprennent à connaître la personne, son vécu et ce qu’elle peut apporter. « J’ai rencontré plein de bonnes personnes quand j’étais sans-abri… les gens les repoussent en les voyant… elles ont l’air sales et elles sont souvent droguées, mais une fois que vous les connaissez, personnellement, et qu’elles vous racontent leur vécu, comment elles sont arrivées là… vous pouvez voir que ce sont de bonnes personnes. »

« Enlever son masque n’a rien d’imprudent, estime Mik. C’est prendre la décision courageuse d’enlever une couche qui ne nous sert plus. Porter un masque nous protège, mais c’est aussi épuisant. »

« Il faut se couper de ses émotions et être constamment en état d’alerte, poursuit-il. Nous débarrasser de ce fardeau, même d’une infime partie, peut être libérateur. » Les clients qui enlèvent leur masque deviennent souvent plus ouverts à recevoir de l’aide, à tisser des liens et à se montrer sous leur vrai jour. Mik se souvient d’avoir entendu des phrases du genre « Je ne suis pas comme eux » au début de la relation avec des clients, un signe que la stigmatisation existe toujours. Mais à mesure qu’un lien de confiance s’établit, ces mêmes clients commencent à assumer leur identité et à puiser de la force dans les relations humaines.

« L’ACSM Ottawa a un groupe de TCC (thérapie cognitivo-comportementale), où j’ai appris toutes les habiletés importantes », raconte Zach. En tant que personne souffrant d’anxiété et de dépression sévère, il a affirmé que quitter son endroit sûr peut être difficile, mais que pendant les séances de groupe, il continue de faire de la thérapie d’exposition et il tisse des liens avec d’autres clients du groupe.


Agir comme un soutien

Mik se concentre à mettre le client en confiance. « Je dis clairement que je travaille avec les gens sans égard à leurs symptômes ou leurs mécanismes d’adaptation. Nous parlons du fait que les gens portent un masque pour survivre, mais qu’ils n’en auront pas besoin toute leur vie. » Lorsqu’on en parle comme d’un phénomène normal, on aide les clients à comprendre que porter un masque est une habileté, mais une habileté qui peut devenir un piège à la longue. « Amener les clients à faire des choix en fonction de ce qui les rend à l’aise, et non de ce qui leur fait peur, est la clé. Lorsque le masque n’est plus obligatoire, il peut devenir optionnel – un outil utilisé intelligemment et non porté continuellement. »

Mik ne recule jamais devant une conversation difficile. « Je nomme la discrimination quand je la vois. J’aide les clients à s’y préparer. Je parle ouvertement de mon rôle aux propriétaires et j’essaie d’être un modèle des relations respectueuses et humanisantes. » Que ce soit en saluant les voisins lors des visites ou en demandant aux clients comment ils se sentent dans les aires communes, ces actions remettent en question l’idée que les gens doivent rester invisibles pour garder leur logement. « Notre travail est d’aider les gens à vivre leur vie en portant le moins de masques possible, à ne pas se sentir obligés de se cacher et à se sentir enfin assez en sécurité pour s’ouvrir aux autres. »

Ce sentiment de sécurité peut amener une transformation. Mik se souvient d’une cliente qui, après avoir déménagé dans son logement, a eu des disputes et des tensions avec une voisine. Le conflit a dégénéré et a mené à un avis d’expulsion. « Nous avons rassemblé tout le monde – la cliente, sa voisine et le propriétaire. Contre toute attente, la cliente et sa voisine avaient toutes les deux connu l’itinérance et les troubles mentaux. Elles se sont découvert une passion commune des chats et des animaux en peluche. Elles ont développé de l’empathie, ont fixé des limites et ont choisi de coexister dans le respect. » Ce qui était une incompatibilité est devenu une communauté, parce que les deux parties ont enlevé leur masque et se sont comprises.

Enlever son masque n’est pas facile, particulièrement dans les systèmes qui répriment la différence. Mais comme le travail de Mik le démontre, c’est aussi un début, une porte vers l’authenticité, les liens sociaux et la guérison. Ce n’est pas arrêter de faire attention, c’est réclamer notre droit à l’humanité dans les endroits qui exigent trop souvent la performance plutôt que la vérité. En matière de logement, où les enjeux sont grands, être capable d’enlever son masque pourrait non seulement être la base pour survivre, mais aussi pour se sentir enfin chez soi. ⬛

Merci, Mik et Zach, de nous avoir donné de votre temps.

Connexes :


À propos de l’ACSM Ottawa La succursale d’Ottawa de l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM Ottawa) est un organisme communautaire indépendant à but non lucratif qui fournit des services à des personnes admissibles de la région d’Ottawa ayant des maladies mentales graves et persistantes ou des troubles de dépendance, dont de nombreuses personnes sans abri ou logées de façon précaire. L’ACSM Ottawa se consacre à promouvoir une bonne santé mentale, à élaborer et mettre en œuvre des réseaux et des services de soutien durables ainsi qu’à encourager l’action publique en vue d’améliorer les services de santé mentale et les politiques et la législation connexes à l’échelle communautaire.

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